Enfin vu, et j'ai beaucoup aimé ce "Sparrow" ! Je ne comprend pas vraiment la volée de bois vert qu'il a pu se prendre, sans doute parce que c'est un film léger, et que comme il était présenté dans un gros festival, et que To a acquis depuis 2 ans ses galons d'auteur important, certains critiques s'attendaient à un film avec "message profond et sérieux" comme les "Election". Pourtant il est bourré de clins d'oeil malicieux à la Nouvelle Vague française (Truffaut, Demy, etc), mais le film ne fait pas exercice de copier-coller à la Tarantino comme pouvait l'être "Exilé".
J'aime beaucoup ce virage de Johnnie To vers une mise en scène plus légère, élégante, lorgnant vers la comédie musicale (comme certaines scènes de "Mad Detective"). La BO de Xavier Jamaux est excellente, comme l'était déjà celle de "Mad Detective", franchement il faut que To le garde jalousement ce compositeur ! Là où "Yesterday once more" était raté (en partie à cause de l'absence de charisme de Sammi Cheng et d'un sénario mal écrit), "Sparrow" est une réussite (je dirais malgré l'absence de charisme de Kelly Lin).
L'histoire : Simon Yam et ses 3 comparses forment un groupe de pickpockets professionnels, Yam étant aussi un photographe amateur à ses heures perdues (hobby autobiographique pour Simon il me semble). Les 4 hommes agissent toujours en bande, mais rencontrent séparémment une jeune femme qui les séduit chacun (Kelly Lin donc). Celle-ci leur demande de l'aider pour visiblement cambrioler le coffre-fort de son richissime et vieil époux, mais comme elle est surveillée 24 h/24 par les hommes de main de son mari, ils se font tabasser. Après s'être rendus compte qu'ils se sont fait embobiner, ils vont quand même lui venir en aide, car ce qu'elle convoitait n'était pas d'ordre vénal, mais un bien oh combien plus précieux : sa Liberté...
Toute la partie de jeu de cache-cache entre la fille et chacun des 4 pickpockets est merveilleusement menée, et on la regarde avec un sourire banane. Johnnie To n'est pourtant pas connu comme un grand filmeur de femmes, mais bien que disposant d'une actrice limitée, il joue sur le fétichisme de ses talons aiguilles, d'une voluptueuse fumée de cigarette, et l'élégance de sa mise en scène. On retrouve sa patte dans son goût pour l'humour absurde (les 4 pickpockets blessés), ou les scènes de camaraderie de gamins (les 4 qui tirent la langue à Kelly Lin quand ils ont coincés dans l'ascenseur). Le film perd un peu en rythme au moment où le charme est rompu et que les 4 hommes se sont rendus compte qu'ils se sont fait mener par le bout du nez. Cependant, il est rattrapé par un splendide final de duel entre pickpockets, filmé comme ses gunfights virtuoses au ralenti de "PTU" ou "Exilé".
J'ai été aussi agréablement surprise par le fait que l'objet de convoitise soit la liberté représentée par le passeport de la jeune femme. Je m'attendais vraiment à un énième personnage de femme calculatrice, manipulatrice et vénale, comme To nous avait habitués. D'ailleurs le personnage est une chinoise du Continent, et pourtant Hong Kong n'est pas la ville de la Liberté pour elle. Aussi surprenant est le personnage du vieux mari possessif : quand il admet sa défaite et rend la liberté à son "moineau", il pleure sa solitude à venir. Bien qu'il soit la caricature du vieux et riche moche, qu'il puisse paraître dégoutant car il emprisonne une jeune immigrante chinoise après lui avoir pris et enfermé ses papiers, ses pleurs pathétiques sont presque touchants. Bref la gravité perce sous la légèreté du film, et j'aime toujours ce type de traitement.
Mon seul bémol est l'actrice Kelly Lin, qui est certes physiquement parfaite, mais n'a pas le piquant et le talent d'une Wu Chien-lien ou d'une Carman Lee (anciennes favorites du réalisateur). Avec une actrice plus charismatique, les jeux de séduction de la première partie du film auraient été encore plus mémorables.
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