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> Le Chant Des Regrets éternels, de Wang Anyi
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P'tit Panda
Ecrit le : Jeudi 06 Juillet 2006 08h08
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Dragon



Du riz des villes au riz des champs: le roman fleuve de Wang Anyi et des nouvelles sur l'islam chinois.

La dame de Shanghai

A Shanghai, mercredi.

Une femme au fil du temps, par la romancière chinoise Wang Anyi.

Par Claire DEVARRIEUX

QUOTIDIEN : Jeudi 29 juin 2006 - 06:00

Wang Anyi Le Chant des regrets éternels Traduit du chinois par Yvonne André et Stéphane Lévêque. Philippe Picquier, 678 pp., 23 €.

Fêter les vingt ans de sa maison d'édition en publiant un livre splendide, on ne peut pas dire que l'idée soit mauvaise. Philippe Picquier écrivait en 1996, résumant son catalogue : «L'Asie est assez vaste pour qu'on ne s'occupe que d'elle.»Dix ans plus tard, il s'offre un unique cadeau d'anniversaire, le Chant des regrets éternels. Vous l'emporterez cet été.
Portrait d'une ville, portrait d'une femme, le roman de Wang Anyi célèbre Shanghai à travers un personnage dont elle fait un blason. Elle s'appelle Ts'iyao. Au début, c'est magistral, elles sont toutes des Ts'iyao, «le matin, dans les tramways de Shanghai, on ne voit que des pères de Ts'iyao se rendant au travail»,et tiens, «voilà des Ts'iyao qui vont toutes ensemble au cinéma voir Vivian Leigh, tête d'affiche dansAutant en emporte le vent ». Wang Anyi, née en 1954, aime le cinéma. En 2004, les éditions Bleu de Chine ont publié en poche Amère jeunesse,une novela sur les tourments d'une adolescente, qui commence au Guotai, cette même salle où Ts'iyao continuera de se rendre, à la dernière séance. Les Ts'iyao n'en sont plus qu'une, la démiurge a délaissé le plan panoramique pour se concentrer sur un seul visage.
Ts'iyao a 16 ans en 1945, lorsque l'histoire commence, elle en a 57 à la fin, lorsque le monde de sa jeunesse redevient à la mode. Elle fut jolie, pas assez exceptionnelle pour devenir actrice dans un film, assez charmante pour figurer une icône rassurante, quotidienne, à la devanture des magasins et des magazines. Elue troisième Miss Shanghai, Ts'iyao est bientôt une Alicia, de celles qu'on entretient, demi-mondaine. On appelle ces Alicia, qui attendent leur homme en silence à la résidence Alicia, les «fleurs de la société». Shanghai les cultive et les respecte. Shanghai, infiniment joyeuse et insouciante jusqu'à l'automne 1948, jamais tout à fait défaite, jamais sans charme ni beauté, de nouveau éclatante à la fin des années 70, insomniaque et noctambule sous tous les régimes. L'élégance innée des Shanghaïennes, même en vestes bleues, court en fil d'or le long des quarante années qui s'égrènent.
Shanghai et Ts'iyao font corps. Le Chant des regrets éternelsest à la fois un hommage à la résistance des dames de ladite ville, et un long questionnement inquiet sur la féminité. Il revient au puissant Directeur Li, le protecteur de Ts'iyao, de poser l'existence d'une «essence féminine»comme un idéal à atteindre, et de penser que les hommes sont mieux placés que les femmes pour les interpréter : «Il se disait parfois que s'il avait été acteur d'opéra, il aurait incarné la plus belle femme au monde.»A la trappe, le Directeur Li, avec l'arrivée des communistes, non sans avoir légué à Ts'iyao l'équivalent d'un veuvage et les lingots d'or qui garantissent le roman contre le misérabilisme.
Saccages, suicide, la Révolution culturelle (1966), qui éventre les secrets de la ville, est un bref épisode. Infirmière, mère célibataire d'une fille trop moderne pour ne pas être vulgairement ingrate, Ts'iyao est résolue à ne pas céder une once de liberté. A condition, évidemment, d'être sûre qu'il y aura toujours un homme pour essayer d'attenter à cette liberté. Ts'iyao accueille des amis pour d'interminables parties de mahjong arrosées de thé. L'un d'eux, soviétique à moitié, dit qu' «ils ressemblaient à ces chasseurs de Sibérie qui rentraient bredouilles de la chasse».On aura à plusieurs reprises la sensation d'être dans un roman russe. Au dehors, passe l'Histoire. Autour du poêle, les conversations se chargent de faire bouger les sentiments. Il semble que rien ne puisse troubler la paix du logis, et de la fée Ts'iyao, au deuxième étage au fond d'une ruelle de Shanghai. «Bien que nul imprévu ne vînt bousculer le cours des jours, quelque chose finirait sûrement par sortir de l'accumulation patiente de tous ces petits riens.»Autant en emporte le temps.
Wang Anyi, ici traduite par un duo remarquable, est aussi l'auteur d'une trilogie sur l'amour qui a fait scandale en 1986-1987. C'est l'époque où Ts'iyao quitte la scène.

Que vouliez-vous dire sur la féminité à travers le Chant des regrets éternels?

La vie de mon personnage est un drame. Elle veut toujours attraper ce qu'elle ne peut saisir, et qui est lié au temps, la jeunesse, l'amour. Or, le temps coule continûment. Quand elle veut retenir un homme, cet homme appartient au présent, et elle est le passé. Elle est forte, et pourtant ce qu'elle voudrait, elle ne peut l'obtenir. C'est une particularité des femmes en général.

Comment se fait-il que les filles soient si libres ?

Dans les années 40, les jeunes filles de Shanghai étaient plus libres qu'ailleurs. Elles allaient au lycée, elles pouvaient être actrices, apparaître dans les endroits publics, aller au cinéma sans problème. Leurs mères avaient également vécu dans une atmosphère de liberté. Du moins, dans la petite-bourgeoisie. Dans les milieux d'un rang supérieur, la contrainte était grande.

Et dans votre famille ?

C'était une autre époque. A la maison, les parents nous encadraient. A l'école, c'étaient les maîtres. De mon temps, il ne pouvait guère arriver ce qui arrive à Ts'iyao.

D'où vient votre sens de la psychologie ?

J'ai une expérience de la vie relativement limitée. Si bien que les matériaux dont je me sers proviennent de mes propres sentiments. J'appartiens à cette sorte de gens qui agissent peu et pensent beaucoup. Ce que mes personnages représentent, ce sont des situations psychologiques.

Pourquoi accordez-vous tant de place, dans les conversations, aux malentendus, aux susceptibilités froissées ?

Ce sont des gens de peu. Ils sont précis, ce ne sont pas des romantiques. Quand ils sont ensemble, ils jouent, ils mangent, ils bavardent. Ils n'ont pas de grandes visions. C'est pourquoi ils accordent tant d'importance à ces détails. Ce sont des gens laissés de côté par l'époque, par la société.

Et les personnages de vos autres romans ?

Je décris toujours ce qu'en chinois on appelle des «petits personnages». Principalement des femmes, qui ont un idéal banal. En vérité, je voudrais arriver à décrire un personnage héroïque. Mais je suis une réaliste. En fonction des causes et des conséquences, les personnages que je crée ne peuvent pas devenir des héros. Mon héros serait sans doute une héroïne, la réalité des hommes ne m'intéresse pas tellement. Seulement, la scène où les femmes peuvent se manifester est assez étroite.

Avez-vous fait partie des «jeunes instruits», ceux qu'on a envoyés à la campagne ?

Oui, en 1970, je suis partie à la campagne. Dès le début de la révolution culturelle, en 1966, les lycées et les universités ont fermé. Ceux qui avaient fini leurs études n'avaient plus rien à faire. A partir de 1968, 1969, il a fallu prévoir quelque chose pour eux. Ils ont été envoyés dans les usines et les fermes d'Etat. Quand j'ai eu mon diplôme de l'enseignement secondaire, je n'ai eu qu'une solution. Mais si véritablement nous ne voulions pas aller à la campagne, il n'y avait pas de moyen de coercition. Rester à la maison aurait été étouffant, la vie était d'une monotonie épouvantable. Sortir de là avait quelque chose d'excitant. J'ai préféré m'en aller. Il y a eu un conflit vif avec ma mère. Elle ne voulait pas me laisser partir.
Dès le jour de mon arrivée, j'ai regretté. Ce n'était pas ce que j'avais imaginé. J'ai serré les poings, je suis restée, je ne suis rentrée qu'au bout de sept mois. Je n'aurais jamais pensé que sept mois puissent être aussi longs. Deux ans plus tard, j'ai passé un examen, j'ai fait partie d'un groupe musical et théâtral. ça n'avait rien à voir avec Shanghai, je me trouvais dans une ville de taille moyenne, pauvre et retardataire, mais j'étais heureuse, c'était retourner en ville.

Avez-vous écrit sur cette période ?

Un peu, des nouvelles, des romans mais pas aussi longs que celui-ci. J'ai davantage écrit sur les paysans que sur les jeunes instruits : à part qu'ils étaient tristes, il n'y avait pas grand-chose à en dire. Les paysans étaient plus intéressants. L'endroit était misérable, la population dense, la terre épuisée, le pire étant les inondations chaque année. Peut-être est-ce un rapport à la tradition, leur existence était très réglée. Les jeunes étaient respectueux à l'égard des aînés. Jamais on imaginait qu'il puisse y avoir des vols. Il y avait un grand respect pour le savoir. Les femmes avaient un coeur d'une grande générosité. Les hommes comme les femmes de cet endroit étaient très beaux. Malgré la dureté de leur sort, ils étaient sereins.

Votre mère était écrivain. Quelle lectrice a-t-elle été pour vous?

J'écrivais de la campagne des lettres dont ma mère considérait qu'elles avaient des qualités ­ mon père (il était metteur en scène, ndlr)ne m'a jamais fait tant de compliments. Ma mère a été ma première lectrice, mais après, mes nouvelles, elle passait son temps à critiquer. Je ne lui montrais plus. Toute petite, j'aimais déjà la lecture et l'écriture. Elle ne souhaitait pas que je devienne écrivain. Elle me voyait scientifique, médecin. Elle considérait que, vu la situation politique, la littérature c'était dangereux. Mais quand je suis arrivée à la campagne, il n'y avait pas d'avenir, tout était bloqué. A ce moment-là, ma mère a commencé à me soutenir dans mes projets d'écriture.

A quel moment êtes-vous devenue écrivain ?

C'est devenu mon métier dans les années 80, et j'ai vraiment commencé à écrire de façon régulière il y a dix ans. J'écris tous les jours. Sauf le dimanche et les jours de fête. J'écrirais bien le dimanche, mais mon mari est à la maison, l'atmosphère n'y est pas.

Pourquoi écrivez-vous ?

Parce que j'aime ça. Quand je me mets à écrire, moi qui ai une vie simple, j'ai le sentiment d'une existence très riche. Je continuerai à écrire, toute la vie, bien sûr. Je n'ai rien d'autre à faire. Aucun intérêt pour le reste.

Interprète : Yvonne André


http://www.liberation.fr/culture/livre/189976.FR.php
© Libération

Wang An Yi
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其实人在小时候就已经养成看待世俗的眼光,只是你并不自知。(侯孝贤)
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