Ce film d'action hardcore, même s'il est globalement très bien accueilli par les amateurs de films d'action, a quand même ses détracteurs par ici.
Je l'ai vu à l'une des dernières séances au "mythique" (
) UGC Orient Express des Halles à Paris : petite salle très mal climatisée, qui sent le bouc, détritus par terre, bruits du métro d'à côté pour musique d'ambiance, un public de djeunes dissipés bouffeurs de pop-corn, des portables qui sonnent, quelques commentaires en direct, sorties pipi en pleine séance... et un écran en biais et à peine plus grand qu'un super-écran télé.
Autant dire que ces conditions de dégoûtage optimal peuvent fortement influencer sur la vision qu'on a du film.
Tout d'abord reconnaissons à G. Evans un talent certain pour la mise en scène de l'action. Il a un sens extraordinaire de la gestion de l'espace, sait très bien où placer les caméras pour accroître l'ambiance d'une scène et augmenter l'impact de l'action.
Je déteste les films qui se passent dans un endroit clos (à part peut-être les films d'horreur), mais ici on finit par oublier ce parti pris parce qu'Evans a réussi à nous faire croire qu'à chaque recoin de cet immeuble il y a un danger mortel qui attend nos héros. Pris par ce suspense, on oublie notre claustrophobie.
Ce film conçu comme un jeu de massacre n'a hélas pas vraiment d'histoire à nous raconter. Il s'agit d'une bande de flics téméraires chargés d'aller arrêter un gros bonnet cloîtré dans un immeuble-château fort. Une vague manipulation, un semblant lien de fraternité, quelques moments de mélo ridicules... On reste sur notre faim. Aucun personnage ne suscite notre intérêt car aucun n'a été vraiment dépeint durant le film, même si on a une vague sympathie pour certains d'entre eux. Sans ce fil conducteur, difficile d'adhérer à 100 % au film. Tantôt fonctions, tantôt pantins, les personnages se battent et meurent les uns après les autres, plus ou moins héroïquement, devant nos yeux amusés. Le jeu assez limité des acteurs - ou alors une mauvaise direction de leur jeu de la part du réalisateur - n'aide vraiment pas à corriger notre point de vue.
Ce film vaut le détour pour bien sûr ses fameuses scènes d'action. Et elles sont nombreuses. C'est presque du non-stop. On sort de la salle aussi exténué que le héros du film. On découvre l'art martial indonésien, impressionnant visuellement - même si, à mon avis, un peu moins que le muay thai et ses variantes. Il y a plein de scènes très percutantes, avec des trouvailles visuelles superbes. Le réalisateur et ses chorégraphes ont fait chauffer leurs neurones pour nous pondre quelques séquences franchement jouissives : des mecs qui passent par la fenêtre, qui meurent devant les portes, qui se font étriper, etc... Parfois très réalistes, souvent arrivées par surprise, ces scènes nous éblouissent constamment par leur impact et ... leur beauté chorégraphique. La plupart des acteurs possèdent d'extraordinaires qualités martiales; on ne sent vraiment pas les effets de câbles ou d'ordinateurs comme on peut en voir dans d'atroces super-productions sino-hk actuelles. Ici, on se bat à l'ancienne, avec cassage d'os, sueur et sang au programme, et tant pis pour les âmes délicates ! J'ai une préférence pour les combats entre les héros du film et le bras droit fou furieux du caid. On voit que les mecs se sont donnés à fond pour nous offrir des morceaux de bravoure. Les gestes du fou furieux sont d'une incroyable beauté visuelle, et malgré sa taille son énergie semble inépuisable et il a l'air invincible. Un méchant de cinéma de plus en plus rare. On a vraiment envie de le voir au premier plan dans un film du genre à venir. Un bémol cependant concernant les scènes de combat "seul contre tous" : c'est encore un peu théâtral, les mecs qui poireautent à côté en attendant leur tour pour se battre avec le héros, ce n'est plus très crédible... Les gunfights, avec des clins d'oeil aux films de John Woo, sont aussi très réussis.
Globalement, on peut préférer Tony Jaa et sa performance dans "Ong Bak", où il y a plus d'inventions, de variations, et d'impact dans les combats au corps à corps. En voyant ce film, je pense en effet plus à Ong Bak qu'aux films HK (d'autrefois). Il y a cette même surenchère dans l'action, un même côté neuf parce que venant d'un pays cinématographiquement et martialement peu connu. Même si les Thais et Indonésiens arrivent aujourd'hui à égaler les Hongkongais dans les scènes d'action, ils souffriront toujours de la comparaison avec ces derniers. Les Hongkongais ont été des pionniers en la matière et ils ont pratiquement tout inventé depuis longtemps, et le star-system a beaucoup contribué à leur renommée. Peut-être que les amateurs de cinéma HK trouveront que The Raid ou les films semblables ont quelque chose d'aseptisé, de balisé, par rapport à ce qu'ils ont connu. Il est vrai que d'une manière générale, il y a de la violence, mais pas assez de cette folie et ce plaisir présents dans les combats made in HK. La fantaisie n'est pas ce qui vient à l'esprit en premier. Notons aussi une certaine faiblesse dans l'intégration des décors et autres accessoires dans les scènes de combats. Malgré les efforts de Tony Jaa par exemple, on peine aussi à voir la philosophie derrière l'action. Il manque quand même un Lau Kar Leung aux cinémas d'Asie du Sud Est quoi...
Je ne sais pas si j'aurai envie de revoir The Raid en entier. C'est sans doute un film dont j'aurai plaisir à revoir certaines séquences en DVD...