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> La Littérature Populaire Taiwanaise, in Taiwan Aujourdhui - mars 2006
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P'tit Panda
Ecrit le : Vendredi 28 Avril 2006 19h01
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God
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Dragon



DOSSIER

Littérature de masse


Pat Gao



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(HUANG CHUNG-HSIN)

La scène n'est pas inhabituelle pour une série dramatique télévisée à caractère historique. Nous sommes en 1935, et Khu Nga-sin, la première femme ayant obtenu à Taiwan le droit d'exercer la médecine, voyage en Chine pour y retrouver son mari cloué dans un lit d'hôpital par la malaria. Ce dernier est un dissident qui a fui l'administration coloniale japonaise à Taiwan, lui préférant la république chinoise. Arrivant à Pékin, le docteur Khu découvre que son mari partage sa vie avec une autre femme, une actrice d'opéra chinois.

Cette scène pourrait être extraite d'un scénario de télé comme il en existe tant d'autres. Elle est en fait tirée de l'un des piliers de la littérature taiwanaise populaire, Sand in the Waves , un roman en trois tomes de Dongfang Bai qui retrace la saga de trois familles taiwanaises au cours du siècle passé.

« La partie qui se passe à Pékin est courte dans le roman » , explique Iap Kim-sing, le producteur de la série télévisée et directeur général de Green Apple Co., une maison de production locale. Ce qu'il est intéressant de noter, c'est que les classiques ou les chefs-d'œuvre littéraires ne sont plus les seuls à être concernés, mais que l'on voit aussi davantage de romans contemporains faire l'objet d'une adaptation au petit écran. En fait, alors que les ventes de livres diminuent, le feuilleton télévisé peut être l'un des moyens idéaux pour faire connaître un auteur. La télé comme l'Internet exercent ici une influence indéniable sur la façon dont est reçue ou perçue la littérature. D'autant plus que les gens lisent moins, puisqu'ils passent de plus en plus de temps devant leur écran d'ordinateur ou de télé.


De la page à l'écran
Le raccourci offert par l'adaptation télévisée peut séduire, lorsqu'un roman comme Sand in the Waves compte1,5 million de caractères. En outre, pour les producteurs, l'adaptation d'une œuvre déjà bien structurée permet de diminuer les coûts et de gagner du temps.

Depuis la fin des années 80, Green Apple, qui s'était auparavant spécialisé dans les films publicitaires, s'est lancé dans la production de films et de séries télé reprenant les œuvres d'auteurs taiwanais connus tels que Wang Chen-ho, Yeh Shih-tao, Lee Chiao ou Huang Chun-ming.

Et cette formule marche. Ainsi, l'adaptation du roman A Buffalo-cartful of Dowry de Wang Chen-ho a remporté le prix de la Meilleure œuvre dramatique au Festival de la télévision asiatique. En 2005, celle de Sand in the Waves s'est vu récompenser du prix de la Cloche d'or de la meilleure série télévisée. Public Television System, le réseau de télé public, a produit plusieurs adaptations au petit écran de classiques de la littérature populaire taiwanaise, parmi lesquels Wintry Night, de Lee Chiao, qui relate la lutte pour la survie des colons hakka alors que Taiwan était encore une terre sauvage.

Ce succès à l'écran est confirmé par la popularité de ces séries télé qui offrent une alternative de qualité par rapport aux habituels soap-opéras. L'année dernière, sur Formosa TV, la diffusion de Sand in the Waves a été récompensée du plus fort taux d'audience à une heure de grande écoute. Cette œuvre a alors atteint un public qu'elle n'aurait jamais pu avoir sous forme imprimée. « Lorsque les spectateurs ont pris le relais des lecteurs, estime Iap Kim-sing, ce chef-d'œuvre de la littérature a connu un énorme boom en termes de circulation et d'influence. »

Lui-même lecteur enthousiaste depuis toujours, Iap Kim-sing estime que l'on produit à Taiwan des œuvres littéraires de grande classe qui mériteraient d'être mieux connues dans le monde. « Les romans taiwanais ont leur propre saveur, permettant de goûter un plaisir à part, distinct de celui de la culture chinoise. »

Un roman d'abord publié sur Internet. Killer, de Giddens (à d.). Autre succès en ligne.
(CHANG SU-CHING)
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L'inspiration en ligne
La télé n'est pas le seul média à donner une nouvelle dimension à la littérature taiwanaise. En mars 1998, Tsai Jih-heng, un étudiant de l'université nationale Cheng Kung, à Tainan, entreprit d'écrire en ligne. Son roman, publié en 34 épisodes sur le bulletin électronique de l'université, remporta un tel succès que, quelques mois plus tard, The First Intimate Contact sortait en librairie pour devenir un best-seller d'abord à Taiwan et, un an après, en Chine.

Suivant la même voie originale, de nombreux auteurs cherchent aujourd'hui la notoriété littéraire par le biais d'Internet. Cette tendance a permis de rendre plus visible la diversité des styles entre les écrivains de langue chinoise, les Taiwanais étant souvent appréciés. « Ce qui vient de Taiwan est plus chic, agréable et facile, assure Sun Chi-pen, professeur de sociologie à l'université nationale Chiao Tung, à Hsinchu. Le style est nourri par la mode et est plus moderne qu'en Chine. » Il explique que les sujets légers des Taiwanais tranchent avec ceux empreints de souffrances et de critiques sociales que privilégient les auteurs chinois. L'Internet n'est donc plus seulement un outil d'éducation, il se transforme en un moyen d'expression quotidien. Les compte-rendus et les blogs sont les premières formes choisies. Pour certains, se développe ensuite un sens narratif et quelque chose de plus structuré.

Inspiré par le succès de Tsai Jih-heng, d'autres auteurs en ligne sont apparus avec des romans aux trames élaborées et des styles captivants. Des auteurs tels que Hiyawu et Giddens se sont rendus célèbres d'abord sur Internet, sortant plus tard un livre. A Promise over a Decade de Hiyawu et Peacock Forest de Tsai Jih-heng, son septième roman, tournent l'un et l'autre autour des aventures amoureuses d'un homme avec plusieurs femmes, tout autant que Killer, de Giddens, qui raconte l'histoire de plusieurs tueurs professionnels. Ces ouvrages qui se sont hissés en bonne position du classement des meilleures ventes à la fin 2005 sont souvent le reflet de la vie moderne et s'inspirent d'événements vécus par leurs auteurs.


Vox populi
En ligne, l'écriture est différente. Elle est moins soutenue, avec du vocabulaire et des idiomes utilisés tous les jours par les jeunes. Les smileys ponctuent les textes, servant d'indicateurs d'humeur une pratique commune dans les courriels et les textos.

« Des étudiants comme Tsai Jih-heng ne pensaient pas avoir une écriture littéraire », explique Summer Yeh, rédactrice en chef de la maison Red Ink qui a édité les romans de Tsai Jih-heng et de Fumijan. « Ecrire en ligne, ce n'est qu'une question de clic ; la plupart de ceux qui le font n'ont pas pris la peine d'apprendre les traditions littéraires ou les règles suivies par les autres auteurs. Les romans en ligne entrent moins dans la description du cadre ou des caractères. Le rythme doit être rapide, la langue simple. »

Voilà qui s'écarte en effet des œuvres littéraires qui, jusqu'ici, s'amoncelaient sur les étagères des grandes librairies. Au début des années 90, on a importé dans l'île beaucoup de romans américains qui ont souvent peu de prise avec la réalité de la vie quotidienne. « En revanche, affirme Summer Yeh, les œuvres en ligne mettent en scène des gens simples que l'on croise tous les jours dans la rue. »

Les grandes œuvres étant souvent devenues obscures, dans le but de plaire aux membres d'un jury de prix littéraire renommé par exemple, les traductions d'ouvrages étrangers ou les romans dans un style local ont renforcé leur position auprès du grand public. La littérature, dans un sens plus classique, n'en joue pas moins encore un rôle significatif dans la presse quotidienne où des rubriques importantes lui sont réservées, notamment dans des journaux tels que China Times ou United Daily News . S'il s'agit là d'une tribune extraordinaire pour la promotion des auteurs, les choix des responsables sont tels qu'en fait, bien souvent, seuls les écrivains jugés plus littéraires sont l'objet d'intérêt. C'est donc en marge de ces territoires traditionnels dont ils sont exclus que de jeunes générations d'écrivains sont apparues.

Ce ne sont donc plus les éditeurs qui choisissent de lancer la carrière d'un auteur, mais les lecteurs eux-mêmes qui le consacrent par le biais d'Internet. En d'autres termes, l'industrie du livre n'initie plus la tendance mais la suit, en essayant de la comprendre.

Dans de telles conditions, les courants culturels majeurs se fondent dans une grande diversité, et même s'ils refusent de prendre au sérieux ces nouvelles tendances, les auteurs les plus traditionnels ne peuvent plus les ignorer pour ne pas être mis sur la touche.

*


DOSSIER

Des auteurs dans les amphis


Oscar Chung
PHOTOS DE CHANG SU-CHING / TAIWAN REVIEW


>> Sur le modèle de ce qui se fait dans d'autres pays, certains établissements d'enseignement favorisent le dialogue entre auteurs en herbe et écrivains confirmés


(AIMABLE CREDIT DE L'UNIVERSITE SHIH HSIN)
Lay Hsiang apprécie la formule qui lui permet de mieux comprendre les jeunes d'aujourd'hui.
(AIMABLE CREDIT DE L'UNIVERSITE SHIH HSIN)
Lay Hsiang apprécie la formule qui lui permet de mieux comprendre les jeunes d'aujourd'hui.
(AIMABLE CREDIT DE L'UNIVERSITE SHIH HSIN)
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Tang Juan donne de nouvelles pistes de réflexion à ses élèves.


« Tranquillement je prends le départ, aussi tranquillement que lorsque je suis arrivé / Doucement je retrousse mes manches / Pas même une volute de nuage je n'emporterai. » En partageant avec les élèves du Premier lycée de jeunes filles de Taipei ces vers extraits de Je dis à nouveau au revoir à Cambridge , du célèbre poète chinois Xu Zhimo (1896-1931), Tang Juan s'inscrit dans une longue tradition.

Ecrivain en résidence dans le prestigieux lycée féminin de la capitale, Tang Juan, 38 ans, puise dans le passé littéraire du monde chinois dans l'espoir de susciter quelques vocations dans son jeune public. Le poète suit une formule qui a fait ses preuves, celle qui consiste à exposer les élèves et les étudiants à la littérature grâce à des rencontres avec des écrivains. Tang Juan a une idée très précise des responsabilités des écrivains en résidence. « Ils doivent être présents dans l'établissement au moins trois jours par semaine et prévoir des plages horaires durant lesquelles recevoir les élèves. » L'idée est de permettre à ceux-ci de voir en chair et en os quelqu'un qui s'adonne sérieusement à l'art de l'écriture et leur montrer que la littérature est quelque chose de vivant.

Les interventions d'auteurs tels que Tang Juan ont aussi l'avantage d'ouvrir des fenêtres sur d'autres choses, entre deux cours plus formels. « Je suis assez préoccupé par la façon dont la littérature est enseignée au lycée, dit Tang Juan qui est par ailleurs professeur de lettres dans une université de la capitale. J'essaie de fournir un angle différent pour susciter des débat entre élèves et enseignants. »

Et les lycéennes sont ravies. « Tang Juan sait mieux analyser les techniques d'écriture parce qu'il est lui-même écrivain », commente Lin Jung-hsuan, en dernière année dans ce lycée de jeunes filles qui fait appel à des écrivains en résidence depuis 2003. Les élèves montrant un intérêt particulier pour la création littéraire retirent de l'expérience quelques trucs et conseils leur permettant de prendre un bon départ. « Ce n'est pas que je n'aie pas envie d'écrire, dit Hsu Chiao-fu, une autre lycéenne, mais je ne sais pas très bien par où commencer. Les conseils d'un pro sont donc très utiles. »


Une vraie résidence
Le Premier lycée de jeunes filles de Taipei est l'un des rares établissements scolaires taiwanais à convier régulièrement des auteurs. La pratique est, en revanche, plus répandue dans les universités. C'est Chen Jo-hsi, auteur d'un ouvrage célèbre à Tai wan, L'exécution du major Yin, qui inaugura ici la formule en acceptant un poste d'écrivain en résidence à l'université centrale de Taiwan (NCU), à Chungli, en 1995. Dans le cadre de ce programme initié par le ministère de la Culture, la romancière anima un club d'écriture pendant deux heures toutes les deux semaines. Les étudiants pouvaient y échanger des vues sur les œuvres que les membres du club devaient avoir lues. Le vendredi, Chen Jo-hsi accordait des entretiens en tête à tête. « De cette façon, les étudiants timides n'avaient pas à prendre la parole en public, commente Josephine Ho, présidente de la faculté d'anglais de NCU et ardente supporter du projet. Et c'est plus facile comme cela de détecter les nouveaux talents. »

D'autres établissements universitaires se sont inspirés de l'expérience de NCU. Mais, malgré l'intérêt du public étudiant et des enseignants, les fonds réservés à la rémunération des inter ventions des auteurs en résidence sont en général limités. « C'est un poste informel qui n'apparaît pas dans le budget ordinaire », explique Josephine Ho. Le ministère de la Culture ne subventionnant plus le programme, NCU a fini par y renoncer par manque d'argent, déplore-t-elle.

Dans d'autres universités, toutefois, on a bataillé pour trouver des fonds lorsque les subventions publiques se sont taries. Par exemple, le soutien financier du ministère de l'Education n'ayant pas été renouvelé au-delà des quatre premières années, l'université Shih Hsin, à Taipei, a décidé de conserver le programme en l'assumant elle-même dans sa totalité.

Les étudiants sont ainsi mis au contact direct de toute la gamme des styles et des genres littéraires existants. « Nous dressons une liste aussi variée que possible, comportant des auteurs dans des genres différents et ayant des expériences de vie diverses, qu'ils aient vécu ou non à l'étranger », dit Liao Yu-huei, professeur de littérature chinoise à Shih Hsin, et en charge du programme d'écrivains en résidence dans cette université. Les étudiants apprécient énormément ces rencontres avec des romanciers tels que le célèbre Pai Hsien-yung qui, durant son « séjour » à Shih Hsin, a un jour amené avec lui sur le campus le réalisateur et les acteurs du téléfilm tiré de son roman Garçons de cristal. Le public comptait même un certain nombre de personnes extérieures qui avaient eu vent par hasard de la présence du romancier et des acteurs.

Depuis 2001, Shih Hsin a accueilli cinq auteurs sur la même formule, chacun ayant effectué au moins quatre interventions ou séminaires. Ces visites sont devenues des événements de premier plan pour l'université, et les organisateurs ont bon espoir que les étudiants en retireront quelque chose.

Les auteurs y trouvent leur compte eux aussi. « C'est formidable pour moi de pouvoir parler à tant de lecteurs d'un coup, dit par exemple Lay Hsiang. Et la préparation de mes conférences me donne l'occasion de faire le point sur ma carrière d'écrivain. En outre, en discutant avec les étudiants, je comprends mieux à quoi pensent les jeunes d'aujourd'hui, ce qui, je crois, aura une influence sur mon travail. »


A l'université Dong Hwa, à Hualien, les écrivains « résident » véritablement sur le campus.
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Perpétuer la tradition
C'est ce qui donne tout son intérêt à l'initiative. L'Institut supérieur d'écriture créative et de littérature anglaise de l'université nationale Dong Hwa, à Hualien, sur la côte est, en est le meilleur exemple. Créé en 2000, cet institut est le premier à Taiwan et jusqu'ici le seul à proposer des diplômes du 3e cycle en création littéraire. Ceci explique d'ailleurs que le ministère de l'Economie le finance sans hésiter et que les écrivains en résidence y reçoivent des salaires comparables à ceux des enseignants.

« La plus grande difficulté consiste à trouver des auteurs désireux de nous consacrer quelques mois », dit John Kuo, le président de l'institut, qui raconte avoir essayé à maintes reprises mais en vain de convaincre Pai Hsien-yung d'accepter une telle offre. Il avait d'ailleurs fallu deux ans à Liao Yu-huei pour y parvenir, et elle a même tiré de l'expérience un article intitulé « Comment j'ai fait la cour à Pai Hsien-yung »...

Il faut dire aussi que la direction de Dong Hwa est assez exigeante, dans la mesure où les auteurs invités sont censés s'intégrer totalement dans la vie du campus et y enseigner pen dant toute une année universitaire. Lui-même écrivain, John Kuo se souvient avoir eu la chance de participer à un atelier de création littéraire alors qu'il était étudiant aux Etats-Unis, où la formule est répandue. « Lorsque j'ai débuté dans la carrière d'écrivain, je me suis senti plutôt seul. J'ai souffert de ne pas bénéficier d'encadrement. Alors quand j'ai entendu parler de cet institut, j'ai tout de suite décidé de revenir à Taiwan pour y enseigner. »

A Dong Hwa, les écrivains demeurent réellement sur le campus pendant deux semestres et enseignent deux fois trois heures par semaine. « Quelques mois d'interactions en apprennent plus sur un auteur qu'une série de cours ordinaires », note John Kuo. Les étudiants trouvent aussi agréable de pouvoir côtoyer des romanciers au quotidien. « Parfois, dit Liao Lu-ching, une étudiante en 3e année, ils nous invitent à déjeuner, ou bien on va prendre un verre ensemble et on discute un peu, ici ou en dehors du campus. »

Les conférences des écrivains ne se bornent pas à la littérature en langue chinoise. Par exemple, Chuang Hsin-cheng parle en ce moment à Dong Hwa de la romancière chinoise Eileen Chang (1921-1995), mais sa prochaine série de cours sera consacrée à l'Irlandais James Joyce (1882-1941). Comme ils sont eux -mêmes écrivains, les auteurs invités abordent la littérature différemment, en mettant l'accent sur l'uvre plutôt que sur son contexte historique par exemple, souligne John Kuo.

Sans surprise, ceux qui ambitionnent une carrière dans les lettres sont des fans de la formule. C'est par exemple le cas de Ho Ting-hui, elle aussi en 3e année à l'institut, qui se félicite que les effectifs soient, dans sa classe, suffisamment restreints pour permettre un véritable suivi de chaque étudiant par l'auteur-enseignant. L'expérience avait été beaucoup moins concluante, dit-elle, lorsqu'elle était en première année de lettres chinoises : les étudiants étaient plus nombreux et moins motivés.

A Dong Hwa, lors des séminaires de création littéraire, les con versations sont en général animées parce que les participants partagent la même passion de l'écriture. Depuis qu'elles sont à l'institut, Liao Lu-ching et Ho Ting-hui ont toutes deux obtenu des prix littéraires, et la deuxième a même signé un recueil de poésies dont l'impression a été financée par le ministère de la Culture.

Sur le long terme, John Kuo espère qu'une petite colonie d'écrivains confirmés ou en herbe s'installera sur l'immense campus de Dong Hwa. « Le fait que les étudiants, comme les enseignants, se dédient à la création littéraire donne à l'université une atmosphère unique », dit-il.

Quel que soit le format retenu, les étudiants semblent ressentir cette continuité magique entre générations et, en apprenant à mieux connaître les auteurs, ils trouvent leur propre voix intérieure.

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DOSSIER

Équilibrer les comptes


Kelly Her
PHOTOS DE HUANG CHUNG-HSIN


>> Trois petites maisons d'édition jonglent avec un public qui préfère un plus grand choix de titres alors que les ventes diminuent


Des ouvrages de poésie qui ont connu un grand succès ici.
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Thirty Thousand Feet Underground (30 000 pieds sous terre), un roman nuancé, dans un style rappelant Virginia Woolf (1882 -1941), se place soudain en tête de la liste des best-sellers et se vend à 100 000 exemplaires. Etrange ? « Ce fut une bonne surprise pour nous, dit Tsai Wen-fu, président de Chiu Ko Publishing Co. Bien sûr, c'est bon pour le moral, mais c'est l'exception qui confirme la règle. »

Chiu Ko a publié ce roman du jeune écrivain Chu Shao-lin en août dernier. Après un premier tirage de 2 000 exemplaires, la maison d'édition a sorti une première réédition dans les 3 jours. Ce succès est plutôt exceptionnel sur un marché de la littérature plongé dans la morosité par la compétition terrible de l'Internet et du goût des lecteurs pour le sensationnel.


La planche à billets et le pilon
Tsai Wen-fu a fondé Chiu Ko en 1978. Ses pairs dans l'édition littéraire sont arrivés plus tôt, comme Elite Books en 1975 et Hung-Fan Bookstore en 1976. Ces maisons survivent sur une niche qui se rétrécit de jour en jour. Pourtant, ce créneau était autrefois une source de revenus garantis. « Dans les années 70 et 80, imprimer un livre, c'était comme de faire marcher la planche à billets, se souvient Tsai Wen-fu. Nous pouvions vendre facilement 100 000 exemplaires d'un même titre en un temps assez court. » Mais depuis l'arrivée de l'Internet, dans les années 90, les ventes décroissent mois après mois. Ces jours-ci, environ la moitié des premiers tirages (2 000 exemplaires en général) est retournée aux maisons d'édition par les librairies. « Les bons livres sont mis au pilon. »

Ke Ching-hua, le directeur d'Elite Books, se souvient aussi des beaux jours du secteur. « Les vendeurs en gros attendaient à la porte de l'imprimerie les ouvrages tout chaud sortis de la presse, dit-il. Mais maintenant, c'est nous qui devons les appeler pour leur signaler les nouveaux titres, et ils acceptent sans enthousiasme qu'on les livre dans les trois jours. » Dans le passé, ajoute-t-il, sept livres achetés sur dix étaient des œuvres littéraires, mais la proportion est tombée à 1 sur 10.

Yeh Pu-jung, le directeur général de Hung-Fan Bookstore, a une vision plus mesurée de la situation hier et aujourd'hui. S'il admet que la concurrence est sévère, il ne se sent pas écrasé par les forces du marché. « Quand j'ai fondé la maison il y a 29 ans, je ne visais pas le marché de masse, confie-t-il. Nos lecteurs ont toujours formé un petit groupe . » Aucun ouvrage publié par Hung-Fan n'a été un best-seller, mais la motivation de Yeh Pu-jung réside dans le plaisir de livrer de bons livres à des lecteurs qui les apprécient. « Bien sûr, s'ils se vendent bien, c'est merveilleux ! », sourit-il.

La moitié des premiers tirages est souvent retournée aux éditeurs.
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Fidèle à son créneau
Les trois éditeurs ont en fait réagi différemment à l'évolution de la situation. Yeh Pu-jung semble avoir une dévotion presque religieuse pour la littérature. « Un travail de ce genre requiert goût et passion, dit-il. La survie de ma maison dépend du soutien d'un petit groupe de lecteurs épris d'œuvres littéraires . » Il lui faut vendre chaque année une vingtaine de nouveaux titres, entre 1 000 et 2 000 exemplaires chacun, pour couvrir ses frais. Il s'est taillé une niche particulière avec des romanciers d'une certaine notoriété, tels que Chang Hsi-kuo et les poètes Yang Mu et Cheng Chou-yu. « Alors qu'il y a eu des revirements spectaculaires dans la popularité et la destinée des autres genres littéraires, la poésie a surmonté les vagues avec une relative stabilité », dit Yeh Pu-jung.

Tsai Wen-fu explique que les éditions Chiu Ko survivent de la même façon grâce aux ventes solides des ouvrages d'auteurs comme l'essayiste Chang Hsiao-feng et le romancier Chi Chun. « Du moment que nous publions des œuvres de qualité, nous aurons des lecteurs. Pour cette raison, nous sommes toujours à la recherche de nouveaux écrivains », précise-t-il. Sensible à la nécessité de cultiver les jeunes talents, il a monté en 2004 un programme de bourses d'un montant annuel de 200 000 dollars taiwanais pour chacun des 10 candidats sélectionnés. « Nous voulons encourager les jeunes à écrire , poursuit-il. Outre cette aide financière qui leur permet de se consacrer à la création, nous publions leurs uvres, pourvu qu'ils satisfassent aux critères que nous avons fixés. »

En 1992, Tsai Wen-fu établit une fondation culturelle et éducative qui organise des conférences, des séminaires, des ate liers d'écriture et attribue des prix littéraires, Chiu Ko s'engageant à publier les œuvres des gagnants.

La maison d'édition a aussi compilé des œuvres de littérature taiwanaise moderne poésie, fiction, théâtre et essais représentatives des différents courants littéraires de ces 30 dernières années avec l'aide d'un comité de sélection, composé d'une quinzaine d'auteurs renommés. La première anthologie, allant de 1970 à 1989, a été publiée en 15 volumes en 1989, et la seconde en 12 volumes, qui couvre les années 1989 à 2003, est sortie en 2003. « Ce recueil est bien sûr le résultat d'une tâche immense qui a demandé beaucoup de temps, d'énergie et d'argent. Mes amis ont dit que j'étais cinglé. »

Tsai Wen-fu admet que la traduction d'uvres étrangères en chinois est un moyen sûr de gagner de l'argent. Mais actuellement, 80% à 90% des uvres publiées par sa maison d'édition sont d'auteurs taiwanais, précise-t-il. Bien entendu, les chances de succès restent prioritaires dans sa décision de publier.


Les guerres culturelles
Ke Ching-hua explique qu'il a dû modifier son état d'esprit pour s'adapter à la réalité. « Comme les lecteurs que je cible sont maintenant une minorité, je me dois de servir tous ceux qui me sont restés fidèles si longtemps », dit-il. Le fait d'être aussi écrivain l'a aidé à surmonter le déclin de ses activités d'éditeur. « Les affaires périclitant, j'ai plus de temps pour écrire », dit-il avec philosophie. Elite produit maintenant une vingtaine de titres par an et a survécu à la crise, conservant une taille réduite avec 8 employés et lui-même dans les fonctions de rédacteur en chef. « Nous travaillons essentiellement chez moi, et je n'ai jamais emprunté d'argent à la banque », insiste Ke Ching-hua.

Quelques passionnés continuent de relier des livres de façon artisanale.
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Il croit que la lecture enrichit l'esprit, ce qui est bénéfique pour la société. « Même si une seule personne lit nos ouvrages, notre contribution sera significative », ajoute Ke Ching-hua, qui regrette que la littérature insulaire s'efface devant l'occidentalisation, qui se fait par le biais d'importations massives de films et les traductions d'uvres étrangères, le tout combiné avec la montée de l'apprentissage de la langue anglaise dans l'île. En même temps, les maisons d'édition taiwanaises ont tenté de maintenir leurs ventes en publiant le plus possible de livres. En conséquence, dit-il, on a abouti à une diminution du nombre d'exemplaires vendus par titre et beaucoup de maisons d'édition ont mis la clé sous la porte.

Ke Ching-hua attribue ce déclin aux changements de la politique éducative. « Quand nous étions petits, il nous fallait faire des compositions chinoises et tenir un journal. Aujourd'hui, les enfants ne veulent plus faire cela et n'éprouvent plus d'affection pour les idéogrammes chinois. Ils s'intéressent plus aux photos, aux jeux vidéo et aux gadgets électroniques », ajoute Ke Ching-hua. Il estime que ce désintérêt pour la littérature taiwanaise traduit une désaffection plus large pour la culture chinoise. « Mais j'aime beaucoup mon métier et je lis encore pas mal de bons livres. Si c'était à refaire, je recommencerais . »

En dépit du recul évident de la lecture, la pluralité dans le secteur insulaire de l'édition semble irréversible. Tsai Wen-fu affirme qu'il est important de diversifier les titres et de publier des ouvrages d'intérêt général. « Nous sortions de 30 à 50 ouvrages littéraires l'an durant les années 80 et 90 contre 80 à 100 tous genres confondus aujourd'hui, tant pour les adultes que pour les enfants, indique-t-il. Hormis leur valeur littéraire propre, nous prenons en compte la lisibilité des œuvres, c'est-à-dire leurs qualités commerciales. ».

Cette attitude répond assez bien à la situation actuelle : c'est une lutte de tous les instants pour mettre de bons livres dans les rayons des librairies, pour inciter le public à acheter et, en définitive, pour équilibrer les comptes.



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其实人在小时候就已经养成看待世俗的眼光,只是你并不自知。(侯孝贤)
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